Les tourments de l’adulte moderne en BD

Nous ne vous apprendrons rien en déclarant que la vie d’adulte moderne est loin d’être une sinécure. Pour exemple : à 23 ans, mes parents avaient fini leurs études, un emploi stable, un F4 de 60 m², des finances leur permettant des vacances – et accessoirement, ils m’avaient moi -. La classe moyenne à son apogée. A 23 ans, j’étais à mille lieux d’avoir terminé mes études, encore plus loin de jouir de la stabilité professionnelle, j’habitais un de ces milliers de trous à rat dont raffole notre capitale, le mot « vacance » signifiait « me terrer dans ma tanière pour éviter toute tentation dépensière, dormir jusqu’à midi pour n’avoir que deux repas à payer, bosser comme caissière ou sur mes 6 dissertations » – et accessoirement, au moment où ma mère mettait au monde un être humain, j’étais sûrement en train de vomir mes intestins dans une alcôve du Motion (on expérimente les accouchements que l’on mérite) -.

« Ni jeune, ni adulte »

Le contexte économique était certes différent. A l’époque, un Bac+3 était synonyme de réussite professionnelle assurée, d’un premier salaire décent qui ne ferait qu’augmenter par la suite et d’un pouvoir d’achat en conséquence. A présent, pas la peine de t’enorgueillir de tes trois masters et de tes quatre langues couramment parlées: comme tout le monde, au chômage tu pointeras – et pour obtenir un CDD payé au SMIC avec des horaires dignes d’un sweatshop, tu te heurteras à une féroce concurrence composée de centaines d’autres bons petits soldats tout autant sur-diplômés que ta modeste personne (cette dernière remarque s’annule si vous répondez au patronyme de « Fillon », nom de famille permettant une première expérience de travail bien plus sympa que celle de 99% de ses congénères).

Si vous cherchez « adulte » dans un dictionnaire de synonymes, vous trouverez « mature », « raisonnable », « accompli », « responsable ». Appliquez ces grands concepts à l’adulte moderne: c’est le moment de vous étrangler de rire tout en étouffant un sanglot. Fatalement, à force de continuelles désillusions, d’un sentiment diffus d’impuissance face à la conscience agressive d’une planète qui part à vau-l’eau (votre portable vous rappelle constamment que le monde va très mal, mais il ne vous donne pas les moyens de le soigner – et non, votre bon mot en 140 caractères ou votre statut Facebook indigné ne comptent pas), d’identification par la consommation, de déresponsabilisation assumée, de comportements égocentrés grandement encouragés par ces simulacres d’innovation que sont les réseaux sociaux, d’app de baise – oups, pardon, de « rencontres »-… La notion d’adulte évolue avec son temps.

Les comics sauveront le monde

Mais heureusement mes poulets, vous n’êtes pas seuls. Car que fait l’enfant éternel qui, bien que poursuivi par l’attrait du vide, tente tant bien que mal de trouver sa place sans trop se perdre en route ? Il réenchante le réel: s’il a de la voix, il chante; s’il a un stylo, il écrit; s’il a un crayon, il dessine; s’il a paint, il fait des mêmes. Quoi de mieux pour supporter la réalité de l’adulte moderne que de la mettre en perspective avec la vision d’artistes – prouvant que de la vacuité peut naître la créativité – ? Nous avons donc choisi quelques dessinateurs ayant pour point commun: 1) de nous faire pleurer de rire 2) de nous faire nous sentir bien moins seuls 3) de donner de la légitimité à ce sacro-saint précepte :

 

Hannah Hillam, l’adulte au vitriol:

Vous avez peut être découvert sont travail sur Buzzfeed: Hannah Hillam n’a pas son pareil pour dépeindre le quotidien d’une freelance. Tout comme l’ensemble des artistes présentés ici, le trait résolument enfantin illustrant des sujets sérieux prouve à lui seul ce besoin de concilier impératifs adultes et comportements socialement considérés comme irresponsables. Quoi qu’il en soit, Hannah nous montre qu’il est possible de mener une vie adulte plutôt épanouie, et ce malgré un goût pour la sieste, une asociabilité chronique, un amour démesuré pour les geekeries et une tendance au spleen.

Retrouvez le travail d’Hannah Hillam sur son Instagram.

 

Sarah Andersen, la star au regard flippant:

Si vous écumez Tumblr, vous êtes probablement tombé sur Sarah Andersen et son personnage fétiche, névrosée aux yeux hallucinés reconnaissables entre tous. Vous vous êtes peut-être même procuré sa BD Adulthood is a Myth, dont le titre résume à lui seul le sujet de notre article.

Retrouvez le travail de Sarah Andersen sur son site.

 

Mari Andrew, la sensible féministe:

A notre sens, l’un des challenges les plus ardus de l’âge adulte réside dans le choix entre devenir un être dur (et courir le risque de muter en une entité vaguement humaine – ou, pour les philosophes, de basculer vers « le monstre » de Nietzsche) ou de cultiver sa sensibilité de marshmallow (et courir le risque de subir les assauts répétés d’un monde pour qui la candeur est une vulnérabilité méprisable). Cette tension est particulièrement bien saisie par Mari Andrew – avec une pointe de féminisme bien venue -.

Retrouvez le travail de Mari Andrew sur Instagram.

 

Owlturd, notre préféré:

Dans le vaste univers des comics dédiés aux tourments de l’âge adulte, Owlturd est définitivement notre chouchou. Cette série au trait parfaitement reconnaissable narre les tourments de Shen, jeune adulte pas toujours en adéquation avec les obligations sociales de son environnement. Par un pastel enfantin édulcorant la violence des situations décrites, l’auteur fait le pari de l’humour fin, corrosif et sans complaisance, le tout saupoudré d’une pointe de poésie. Un véritable régal et un remède infaillible contre le blues propre à votre condition de jeune adulte.

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Retrouvez tout le travail de Shenanigansen sur Owlturd.com et le compte Instagram dédié.

 

 

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