VIVRE AVEC SON MEC (3/3) : TROIS NUITS PAR SEMAINE…

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Nous arrivons au troisième épisode de cette série « vivre avec son mec ». Rappelez-vous, dans le premier épisode je vous parlais de mes crises d’angoisse à l’idée que X. soit toujours là, puis, dans le deuxième épisode, je vous faisais partager mon expérience de la charge mentale. Ce troisième épisode traite d’une conversation que X. et moi avons eue de retour chez nous. Dans nos chez nous respectifs je précise hein. Séparés par 10 kilomètres, tout ça tout ça.

Bref, ce devait être le premier soir où nous nous retrouvions depuis que nous étions rentrés. Bon petit repas cuisiné par X., on passe au salon, il n’est pas trop tard, bien reposée je me sens l’âme d’une tigresse. Mais après quelques bisous même pas mouillés et l’immobilité du corps de X. face au mien, je finis par m’assurer du consentement de mon partenaire (tiens, en parlant consentement, vous saviez que désormais, en Suède, sera qualifié de viol tout rapport au cours duquel l’un.e des partenaires n’aura pas explicitement consenti ? #AmourGloireEtProgrès).

Jule : Note in the mood ?

X. : En fait, est-ce qu’on peut parler d’abord ?

Jule : Mais oui mon chéri, avec grand plaisir, parlons.

X. découvre, depuis quelques mois, le concept de s’ouvrir à l’autre et d’exprimer ses émotions (plutôt que de s’asseoir dessus en espérant les oublier).

Jule : Dis-moi tout mon chat.

X. Eh bien pour être honnête, je m’inquiète pour l’avenir de notre vie sexuelle.

Jule : Ah bon, carrément ? Et pourquoi donc ?

X. : Eh bien… Je m’attendais à ce qu’on ait plus de sexe dans le sud de la France.

Jule : Figure-toi que moi aussi.

Concrètement j’avais emmené tout l’attirail body, culottes transparentes et compagnie.

X. : Bon, c’est vrai que tu as eu tes règles, et puis au début c’était un peu le stress mais…

Jule : Chouchou, qu’est-ce qui t’embête exactement ? Est-ce que c’est de la frustration physique ou de la déception théorique ? Comprendre : la situation n’a pas matché avec la représentation que tu t’étais faite de ces deux semaines ?

Non parce que ce n’est pas pareil. De la frustration physique c’est une chose, avoir eu plusieurs fois envie de faire l’amour et ne pas avoir osé le dire, l’exprimer, ou l’avoir fait mais ne pas avoir eu de retour positif, ce n’est pas le même problème qu’être satisfait(e) de la situation mais penser que bon quand même, on aurait pu se forcer pour que ça ressemble à une comédie romantique (ou un film érotique).

X. : Ah bon ? Non bah je ne me suis pas senti spécialement frustré, mais j’ai peur que…

Jule : Que quoi ? Qu’on ne corresponde pas aux pressions extérieures qui disent qu’un couple qui va bien, c’est un couple qui fait l’amour tous les jours de la semaine ? Que si à cinquante ans tu fais pas l’amour trois fois par semaine t’as raté ton couple ? Et que oh la la tu te rendes compte ils n’ont pas baisé depuis 1 mois, quelle tristesse ?

X. : Euh… Oui, c’est un peu ça.

Jule : Alors mon chéri, je t’arrête tout de suite. Tout ça c’est des conneries.

Oui parce que déjà, franchement, moi je préfère faire l’amour une fois par semaine, en profiter à fond, et jouir à chaque fois, que pouvoir dire à mes copines « nous on le fait tous les jours » en omettant bien sûr de préciser que ça dure 3 minutes, que je suis crevée et que pour l’orgasme on repassera.

La fréquence n’est PAS synonyme de qualité et de plaisir. Du tout.

Ensuite il faut adapter la philosophie du yoga : celles et ceux qui pratiquent régulièrement sauront que la souplesse et l’endurance, ça dépend vachement des jours. Des postures qu’on réalisait sans problème trois jours avant ne seront même pas envisageables aujourd’hui, et ce n’est pas grave, on ne force pas, tant pis, l’heure aura tout de même était bénéfique.

À moins que vous ne soyez atteint.e du syndrome d’excitation permanente, la non-envie de sexe reste une chose extrêmement dépendante de facteurs exogènes : le stress au boulot par exemple, la fatigue due à un WE entre potes, un gros down en terme d’estime de soi etc. Alors pourquoi ne pas juste respirer un coup et… arrêter de se mettre la pression ?

X. : Mais tu ne crois pas que c’est un truc à entretenir dans le couple ?

Jule : Franchement ? Non.

Parce que souvent « entretenir » = « se forcer ». Et je ne crois absolument pas que se forcer soit une solution. Si tant est que le manque de sexe soit un problème, car encore une fois, attendons de voir si ce n’était pas juste une phase avant de sortir les rames.

Pour moi, ce n’est pas une vie sexuelle remplie qui est le signe que le couple fonctionne bien, mais une vie sexuelle épanouie.

épanouir : donner à quelqu’un, à son corps, une certaine plénitude (merci Larousse).

 

Donc dans « épanouie » il y a plénitude, pas « 3 fois par semaine ou t’as raté ta vie ».

X : Tu pourrais te satisfaire de sexe moins de 3 fois par semaine ?

Jule : Oui. Je me répète mais je préfère faire l’amour moins souvent et kiffer 100% du temps que plus souvent et avoir du sexe moyen.

Je pense d’ailleurs justement que c’est quand on se contente de sexe moyen qu’on finit par se lasser et préférer lire un bouquin. Mais prendre le temps de se donner du plaisir, même si ce n’est pas aussi souvent qu’on l’aimerait, je ne vois pas pourquoi on s’en lasserait.

Jule : Tu aimes faire l’amour avec moi ?

X. Oui !

Jule : Tu te sens frustré parfois ? Il y a des choses que tu aimerais faire qu’on ne fait pas ?

X. Non.

Jule : Moi c’est pareil, alors je ne vois pas pourquoi on s’en lasserait franchement. Trente ans de tarte au citron derrière moi (ou presque) et je ne m’en lasse pas.

Par contre, je peux tout à fait imaginer qu’un couple qui ne communique pas des masses, qui n’a jamais osé dire qu’en fait, tel horaire ne me convient pas trop ou telle position me fait un peu mal ou en fait j’aimerais qu’il y ait moins de lumière ou plus de paroles ou tes sous-vêtements ne me font pas rêver… oui je peux imaginer qu’un tel couple finisse par se lasser au bout d’un moment et ne sache plus comment faire revenir cette flamme du début (aka ce moment de la relation où l’on passait beaucoup plus facilement sur les défauts de l’autre.) Et que donc ce couple, qui n’a jamais pris l’habitude de communiquer, même si ce ne sont « que » des petits détails, ne se voit pas le faire deux, trois, six ans après, et donc fasse ce qu’il pense qu’on attend de lui (parce que la TV, Glamour Magazine et compagnie le lui répètent depuis toujours) : entretenir la flamme en se forçant à avoir des sex-date deux fois par semaine.

Mais pour le coup, s’il se trouve que l’absence de non-sexe ne résulte pas de facteurs exogènes mais endogènes (inhérents donc, à la relation), je ne vois pas en quoi se forcer à avoir un orgasme réglera le problème. Par contre, prendre son courage à deux mains, se poser, créer un « safe space » et se demander mutuellement pourquoi il n’y a plus de sexe, ça me paraît quand même beaucoup plus pertinent…

Revenons à nos moutons.

Jule : Pourquoi, à ton avis, n’avons-nous pas eu autant de sexe qu’on l’espérait pendant nos vacances ?

X. : Ben déjà… Moi je suis plutôt du matin mais pas toi.

Jule : Tout à fait vrai mon cher Watson.

X. : Pour autant, on ne l’a pas non plus fait le soir… Au final c’était uniquement le week-end.

Jule : Tu veux savoir pourquoi ?

Comme beaucoup de femmes, voilà ce qui se passe dans ma tête quelques secondes juste avant de laisser parler mon désir – ou non. Ça va très vite hein, mais ça donne ça :

« Tiens, j’ai envie. Mais je viens juste de passer aux toilettes. Si on le fait maintenant, en plus du fait qu’on va se coucher tard et que je me lève tôt demain, je vais passer trois plombes sur les toilettes à essayer de faire pipi pour ne pas faire une infection urinaire. Et puis mince, je me suis mis de la crème hydratante sur tout le corps, ça va être chiant au moment de me rincer dans la douche, toujours pour ne pas avoir d’infection urinaire… Et puis il fait super froid dans la salle de bain. Bon, et si on reportait à demain ? Ou à ce week-end, tiens ? »

Eh oui, la majorité d’entre nous ne s’endort pas dans les bras de son copain ou sa copine juste après l’orgasme mais passe aux toilettes… C’est vrai qu’au début de notre relation je me disais « bah tant pis banco » (parce que un an sans sexe), et que maintenant, moins. Faut dire qu’entre temps je m’en suis tapée 5 des infections urinaires. Dont une dans un Ryanair Berlin-Toulouse qui m’a value de rester trois heures bloquée à Blagnac sur les toilettes car les 30 minutes de tram pour rejoindre le Airbnb ce n’était pas envisageable.

Comme pour beaucoup de femmes, chaque relation sexuelle avec X. est associée à un risque, dans mon cas de me retrouver avec une cystite le surlendemain – ce qui signifie, en plus de souffrir le martyre, rester à la maison, ne pas bosser, me traîner chez le médecin/aux urgences chercher un antibio etc. – et pour d’autres, le risque d’une mycose (brûlures, démangeaisons, malaise au bureau, rendez-vous chez le médecin).

Jule : Donc le soir, quand je suis crémée, en pyjama, et que je viens de passer aux toilettes, en effet, même si j’ai envie, ce petit enchaînement de pensées me la coupe aussitôt. Même si, grâce à la panoplie de médoc que je prends en prévention, je n’en ai pas tous les mois, c’est toujours présent.

X. : Je comprends.

Jule : Mais par chance, il se trouve qu’on ne se retrouve jamais à vingt-trois heures pile pour aller se coucher. En général on se retrouve avant de manger. Et moi, pour être honnête, l’idée de débarquer chez toi et que tu me déshabilles sauvagement sur les coups de dix-neuf heures trente, ça me parle vachement. Appelle ça comme tu veux, l’apésexe ou le sexéro, mais je dis banco.

X. : Je note, je note. Mais pendant ces vacances, il y a des moments où j’ai tenté de te déshabiller sur les coups de dix-neuf heures, et ça n’a pas marché non plus.

Jule : C’est parce qu’il y a une deuxième explication : la distance.

X. : La distance ?

La (désormais célèbre) psy de ma copine S. (vous savez, « la psy c’est la vie ») l’a très bien formulé : « pour faire l’amour, il faut être deux. »

J’étais tombée des nues quand ma copine m’avait raconté qu’avec sa meuf (avec qui c’était clairement le BIG LOVE – elles étaient trop choupettes ensemble) elles n’avaient pas fait l’amour depuis deux ans. WHAAAAT ?!

Bah oui, parce que justement, entre le début et la fin de leur relation, elles avaient fusionné. Tellement bien ensemble, tellement bien dans les bras l’une de l’autre, à tout faire collées… Sauf que « pour faire l’amour, il faut être deux. »

Si cette phrase vous laisse encore perplexe, je vous recommande cette vidéo qui l’explique d’une autre manière :

#grossepassionettoutlemondes’enfout

X : Mais comment ça se traduisait pour toi, ce problème de distance ? On passait nos journées dans des cafés différents pour bosser, on n’était pas collés !

Jule : Rappelle-toi ces moments passés enlacés devant Netflix, sous une couverture, sur le canapé… Toi tu étais peut-être capable de faire dévier ça sous la ceinture, moi pas du tout.

Parce que moi, les câlins devant la télé sur le canapé avec quelqu’un que j’aime c’est retour illico dans le monde de l’enfance et du goûter avec ma maman. Comprendre : PAS SEXY POUR DEUX SOUS. Quand je suis en mode pyjama couverture toute douce bras du chéri, je me sens chaton, pas tigresse, donc le sexe, on oublie.

Jule : Par contre, tu mets une table entre nous, tu enfiles une chemise et tu me parles de la politique intérieure du Vénézuela, là…

X. : Une table ?

Jule : Oui, une table, de la distance, un date quoi. Un espace qui me permette d’imaginer tout ce que j’aurais envie de te faire et que tu me fasses.

Parce que le truc avec X. c’est que quand il est proche, physiquement, de moi, c’est pour mordre ma joue/gober mon oreille/mettre un doigt dans mon nez (SÉRIEUSEMENT MEC VA VOIR QUELQU’UN), des trucs d’enfants, qui sont certes sympas et choupis, mais pas du tout sexuels, je ne saurais assez le répéter.

Il y a quelques années, ma copine M. me racontait à peu près la même chose. Son mec, avec qui elle était depuis deux ans et demi, avait assez souvent tendance à faire l’enfant. Genre juste avant de se mettre au lit. Et il ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas envie de lui quand il essayait de lui enlever son pyjama cinq minutes après. Il ne s’agit pas de s’interdire de faire les gamins. Tout le monde aime, je crois, parler de temps en temps comme des gamin.e.s et faire des bêtises et rire comme des idiot.e.s en se faisant des chatouilles, mais pour beaucoup d’entre nous, ces moments excluent tout désir d’ordre sexuel pendant de longues minutes (voire heures).

X. : Donc je résume, si j’ai envie de sexer, je te saute dessus à dix-neuf heures quand tu arrives chez moi (en vérifiant ton consentement au préalable) ou j’attends le week-end, de préférence après que tu aies bu deux tasses de thé (comme ça le problème pipi post sexe ne se pose pas). Et si je suis frustré parce que ça fait un moment que tu ne m’as pas sauté dessus, j’enfile une chemise, je ne te touche plus et je pose une table entre nous.

Jule : E-XA-CTE-MENT.

Oserais-je le répéter encore une fois ? Oui, allez :

1. Seuls les couples qui font l’amour trois fois par semaine et plus sont des couples heureux = MYTHE. FAUX. Tous les couples sont différents, toutes les sexualités sont différentes, arrêtons de nous juger les un.e.s les autres. Obéissons uniquement à ce que l’on ressent, à ce qui nous paraît juste.

2. Pour éviter de tomber dans la routine il faut se forcer = MYTHE AUSSI. Pour éviter de s’ennuyer au lit et, par conséquent, de ne plus avoir envie de faire l’amour, le secret c’est com-mu-ni-quer (vous le voyez, vous aussi, le jeu de mot que j’aurais pu faire ?). Avec soi-même déjà, pour identifier ce qu’on aime, ce dont on a envie et à quels moments on est le.la plus susceptible d’en avoir envie, et avec l’autre bien sûr, pour trouver… des compromis !

C’est ça, je crois, le vrai boulot dans le couple : le faire évoluer avec ses désirs et ses besoins et non le forcer à rentrer dans les cases qu’on pense devoir cocher.