Oui c’est oui, le reste…

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C’est ma douzième bouillotte peut-être depuis la semaine dernière. Sur la peau les marques de brûlures. Ça fait comme un labyrinthe. Je n’ai pas mes règles. Pas de SPM. Juste le ventre qui couine.

Ce qui s’est passé l’autre matin

X. a posé sur moi ce regard étincelant que je connais bien, celui qui dit : j’ai très envie de sexer, et toi ?

J’ai évité ce regard. J’ai baillé. J’ai fini par dire « tu as très envie de sexer, non ? », il a ri, j’ai ri. Plusieurs minutes sont passées.

Puis j’ai engagé quelque chose, ça a mis un peu de temps à se mettre en place. L’excitation, tout ça. On s’est déshabillés. À un moment donné X. était en train d’embrasser mon ventre, il a relevé la tête, « j’ai l’impression que tu n’es pas trop dans le move, on n’est pas obligés ». Je l’ai regardé, je suis restée silencieuse, ça a duré un peu, et puis j’ai dit « non non mais j’ai envie, enfin j’ai envie d’avoir envie, faut juste que le corps suive, mais ça va venir ».

On a fait l’amour.

J’ai pleuré.

Je me suis excusée de pleurer et de gâcher la matinée.

Il m’a demandé ce dont j’avais besoin, j’ai réfléchi, longtemps, j’ai pris ma peluche, j’y ai projeté des souvenirs de petite fille, j’ai dit « je suis désolée, pardon », puis j’ai dit « une partie de moi a envie qu’on aille petit déjeuner car on ne se voit pas pendant longtemps après, une autre a envie d’être seule, je ne sais pas ».

On est partis petit déjeuner.

Ce qui aurait pu se passer l’autre matin

X. a posé sur mon ce regard étincelant que je connais bien, celui qui dit : j’ai très envie de sexer, et toi ?

J’ai évité ce regard. J’ai baillé. J’ai fini par dire « tu as très envie de sexer, non ? », il a ri, j’ai ri. Plusieurs minutes sont passées.

Puis j’ai engagé quelque chose, ça a mis un peu de temps à se mettre en place. L’excitation, tout ça. On s’est déshabillés. À un moment donné X. était en train d’embrasser mon ventre, il a relevé la tête, il a dit « j’ai l’impression que tu n’es pas trop dans le move, on n’est pas obligés ». Je l’ai regardé, je suis restée silencieuse, ça a duré un peu, et puis j’ai dit « non non mais j’ai envie, enfin j’ai envie d’avoir envie, faut juste que le corps suive, mais ça va venir ».

On a fait l’amour.

Il s’est arrêté, a dit « non, je sens que tu n’es pas sûre, allons petit déjeuner, je te fais du thé ? Tu veux me parler de ce qui te préoccupe ? »

Ce qui aurait aussi pu se passer

X. a posé sur mon ce regard étincelant que je connais bien, celui qui dit : j’ai très envie de sexer, et toi ?

J’ai évité ce regard. J’ai baillé. J’ai fini par dire « tu as très envie de sexer, non ? », il a ri, j’ai ri. Plusieurs minutes sont passées.

Puis j’ai engagé quelque chose, ça a mis un peu de temps à se mettre en place. L’excitation, tout ça. On s’est déshabillés. À un moment donné X. était en train d’embrasser mon ventre, il a relevé la tête, il a dit « j’ai l’impression que tu n’es pas trop dans le move, on n’est pas obligés ». Je l’ai regardé, je suis restée silencieuse, ça a duré un peu, et puis j’ai dit « non non mais j’ai envie, enfin j’ai envie d’avoir envie, faut juste que le corps suive, mais ça va venir ».

X. est revenu s’allonger à côté de moi, a dit « si tu n’es pas sûre, c’est que quelque chose te préoccupe, on en parle si tu veux, et si on voit si après tu as toujours envie ou si on va petit-déjeuner »

Ce qui aurait dû se passer

X. a posé sur mon ce regard étincelant que je connais bien, celui qui dit : j’ai très envie de sexer, et toi ?

J’ai évité ce regard. J’ai baillé. J’ai fini par dire « tu as très envie de sexer, non ? », il a ri, j’ai ri. Plusieurs minutes sont passées.

X. a dit : « mais ça peut attendre ton retour de Suisse, viens, on va petit-déjeuner ».

L’année dernière je retrouvais un ex, on a flirté toute la soirée, je l’ai ramené chez moi, on a continué à flirter jusqu’à ce qu’il me déclare sa grande envie de me déshabiller, il y a eu un silence, j’ai dit que je n’étais pas sûre d’en avoir envie, pas sûre que ça rentre dans le deal que j’ai avec X., il s’est redressé dans le canapé et a dit, « si tu n’es pas sûre alors c’est que c’est non, aucun problème ».

La logique était implacable. Même moi j’étais soudain convaincue. Et soulagée.

Il a commandé un taxi. Ça n’a rien changé à notre relation. On s’écrit toujours. On ira dîner l’hiver prochain.

Je me suis demandé si cet homme serait prêt à considérer donner des cours, devenir le porte-parole d’une asso féministe, écrire un livre à destination de toutes et tous (« décoder le langage féminin : non c’est … ? et peut-être ? »), mais surtout de tous les préados garçons (ou se considérant comme tels) qui s’apprêtent à découvrir le sexe, à qui on a dit autrefois « il est du devoir de la femme de se livrer à son mari », à qui on dit aujourd’hui « si la fille dit non, il faut le respecter », mais à qui on ne dit pas encore « si tu n’entends pas oui, c’est que c’est non ».

À qui on ne dit pas encore :
– Non, ça veut dire non.
– Je ne suis pas sûr(e) ou je ne sais pas, ça veut dire non.
– J’ai envie d’avoir envie, ça veut dire non.
– Un silence, ça veut dire non.
– Si tu as l’impression que la fille n’est pas à 100% dans le moment, c’est que c’est non.

Et ce, à chaque rapport, qu’importe si c’est la première, la troisième, ou la mille cinq cent quatre-vingt quinzième fois que vous faites l’amour.

Ce qui se passe maintenant

Je n’en veux pas à X.

J’en veux à celui qui m’a initiée à la sexualité il y a quinze ans en m’expliquant que s’il avait tout le temps envie de faire l’amour (et si, donc, on faisait tout le temps l’amour), c’était parce que j’étais trop jolie, trop sexy, trop désirable.

Je m’en veux. De ne pas avoir été capable de dire non. Après neuf ans de thérapie, trois discussions à ce sujet avec X., ne pas avoir été capable de dire non. Et puis m’être excusée.

J’en veux à la société patriarcale et à tous les politiques qui refusent qu’on aborde ces sujets à l’école.

J’en veux à X.

J’en veux à X. de m’avoir laissée m’excuser d’être en train de pleurer. De ne pas avoir abordé le sujet par la suite. De ne pas avoir appelé dans la journée.

Rationnellement je n’ai pas grand chose à reprocher à X.

X. est un homme féministe, à l’écoute, respectueux, et sur qui je peux compter. Il est le partenaire dont j’ai toujours rêvé.

X. a été élevé dans une société patriarcale qui dit que « non = non » et qui ne parle pas du gouffre béant entre le oui sincère et sobre et le non affirmé. Une société qui pense que « se forcer un peu avec son mec c’est pas si grave ».

Et qu’au final, on est des adultes, et que ce n’est pas au mec de prendre forcément la responsabilité de tout ça, la fille n’avait qu’à pas se bourrer la gueule / dire non si elle sent que ça lui rappelle un truc chelou avec un ex / pas mettre une tenue aussi sexy (etc.).

En terme d’empathie, le sexe n’est pas un sujet à traiter différemment des autres.

Si demain X. se fait renverser par un vélo en faisant son jogging, revient en boitant et en larmes « je suis désolé, j’aurais dû faire plus attention, en plus ce matin je me sentais patraque, j’ai gâché notre petit-déjeuner », je ne pense pas que je me dirais :

– C’est un adulte, il savait les risques qu’il prenait en partant courir.
– Il a déjà eu un accident comme ça il y a deux ans, il aurait dû mieux regarder.
– Il n’avait qu’à porter plus de trucs réfléchissants.

Et il est plus que probable que je prenne de ses nouvelles dans la journée.

Alors que ce n’était même pas moi la fille sur le vélo qui l’a renversé car elle ne l’avait pas vu (il ne portait pas ses trucs réfléchissants, il n’a pas bien regardé malgré le fait qu’il a déjà eu un accident de la sorte).

Il n’y a pas de différences entre les genres.
Il n’y a pas de différences entre les personnes qui ont connu des violences sexuelles et des personnes qui n’en ont pas connues.
Il n’y a pas de cas particuliers selon si on est en couple ou pas, et depuis combien de temps.

Oui c’est oui (pour citer Carolin Emcke qui a inspiré le titre de cet article).

Et si ce n’est pas oui (ou si vous n’êtes pas sûr(e)), c’est le moment de sortir le Monopoly.


P.S : je n’ai jamais entendu quelqu’un me dire « j’avais hyper envie de lui/elle et puis quand il/elle a checké si c’était vraiment ok, ça m’est soudainement passé ».

Par contre j’ai souvent entendu « j’avais qu’en partie envie et ça m’a soulagée qu’on arrête ». Ou « au fond de moi je crois que j’avais pas vraiment envie, ça explique sans doute ma mycose/mon infection urinaire/le fait que je lui ai dit un truc horrible ce matin au petit dej ».

P.S 2 : Si jamais vous êtes dans une situation où vous n’osez pas demander à votre partenaire si c’est vraiment une envie à 100% par peur qu’il ou elle hésite et que cela vous oblige à arrêter, je vous invite profondément à prendre quelques minutes dès maintenant pour réfléchir à ce que cela dit de vous.