Les génies du marketing – Kanye, Taylor et Melania Trump

Le monde va mal, certes. Mais s’il y a une profession bien trop décriée alors que complètement irresponsable dans tous les sens du terme, ce sont les marketeurs/communicants/publicitaires et autres dresseurs d’otaries professionnels. Ras le bol de Naomi Klein et tous les autres « brand haters ». Pour leur rendre justice, Girlshood essaiera ici d’honorer leur talent aussi souvent que faire se peut.

Bien aimés lecteurs et lectrices, il ne vous aura pas échappé que l’humeur est dépressive. Pas un jour sans son lot de mauvaises nouvelles et son suivi de commentateurs plus éreintants les uns que les autres. Mais comme les “attentats” à la hache ou au camion, les « meurtres d’honneur » au Pakistan, les dictateurs fous au Venezuela, les raids meurtriers en Syrie, la fatwa contre PokemonGo en Arabie Saoudite (merde les gars, laissez-nous au moins ça), les décapitations d’enfant à Alep et tutti quanti suffisent 5 minutes, il nous fallait rapidement nous anesthésier le cerveau avec quelque chose de frais. Quelque chose de léger et de joyeux tout en restant dans le domaine “pimbêche”. Vous savez, ce genre de ragot qui vous fait produire des ricanements que même les plus mauvaises des belles mères Disney observeraient avec fierté. Cette semaine nous offrit deux événements notables dans cette catégorie, portés au nue par la magie des Internets: le retour en force de la CivilWar Taylor Swift VS Kanye West, et l’authentique discours de Madame Melania Trump.

Bad Blood

Nous ne vous dresserons pas une fresque complète de la guéguerre entre les deux rois des charts ricains; néanmoins, une petite immersion s’impose. Pour vous la faire courte: en l’an de Grâce 2009, un Kanye passablement aviné crut bon de monter sur la scène des VMA pendant une remise de prix pour proclamer Beyoncé reine, au détriment de la véritable gagnante: Taylor Swift. Sourires entendus cachés sous de faux airs indignés, malaise, ouverture des hostilités. Il fallut attendre l’année 2015 pour que les deux ennemis décident d’enterrer la hache de guerre. Trêve de courte durée: le carnage fut violemment relancé début 2016 lors de la sortie de « The Life Of Pablo », où Kanye mentionnait cruement Taylor sur « Famous« . La pauvrette aux oreilles sensibles avait alors tiré à bout portant sur son adversaire, toutes griffes de féministe bafouée dehors. Et quand nous pensions que l’escalade avait atteint son paroxysme, fit son entrée fracassante dans l’arène Kim Kardashian West, Khaleesi des réseaux sociaux. Telle une Pythie vengeresse fondant au secours de son mari, la coquinette diffusa une vidéo Snapchat d’un coup de bigot entre Kanye et Taylor, où l’on peut entendre cette dernière accepter les paroles de « Famous ». Oups.

Outre les rebondissements dignes d’une guerre de Troie réécrite par E! (le tweet réponse de Taylor, l’incertitude du « that bitch« , l’utilisation malheureuse pour la blondinette du bouton “search” dans ses notes, la menace de procès, le trolling à connotation slut shaming de Khloé), la fondue en piqué de gaudriole qui s’en suivit nous fit littéralement recracher nos cafés de rire. C’est méchant, c’est gratuit, mais qu’est ce que c’est bon. Jugez plutôt:

 

 

 

https://twitter.com/anticnrist/status/754872768546603012?ref_src=/twsrc^tfw

 

 

Passé ce premier niveau de rigolade, s’est dessinée une deuxième vague de critiques bien plus subtile et politique que la première – mais toujours aussi mordante. Vous ne le savez peut-être pas, mais la wanabe reine Taylor, grande prêtresse d’un féminisme qui n’est féministe que quand ça l’arrange (“white feminism” pour les intimes), est entourée d’une squad de Barbies toujours promptes à prendre une rafale pour leur idole peroxydée. Sauf qu’on ne peut défendre une cause discutable sans y laisser quelques plumes au passage. Selena Gomez, adjudante chef tatouée Swifties4eva en a brillamment fait les frais. Volant au secours de sa bestie, elle tweeta:

Manque de bol pour elle, Twitter n’abrite pas que des trolls. Il est aussi l’habitat de communautés discrètes mais qui, quand elles la ramènent, frappent fort: la jeunesse politisée, le « Black Twitter » et autres fact checkers toujours présents lorsqu’il s’agit d’exposer la bêtise digitale. La première flèche fut ainsi tirée:

Plutôt que de se taire et de reconnaître son erreur, la belle eut le bon ton de répondre:

Explique-nous Selena: tu te plains de la vacuité du débat parce qu’il y a des sujets « that fucking matters », mais quand on te fait remarquer que toi et tes semblables restez mutiques sur de véritables fractures sociales (comme le mouvement BlackLivesMatter, qui défend le droit d’exister d’une communauté dont toi et tes congénères récoltent de manière indécente l’usufruit de l’exploitation culturelle), tu « could give two fucks about sides »? Quels sont alors selon toi les sujets qui importent et méritent ta prise de position? Tes affres relationnels avec Justin Bieber? Tes publicités Coca-Cola?

Bien entendu,
Twitter knew better: les réponses raillant le peu d’acuité, de décence et de légitimité de Gomez ne se firent pas attendre (certains se plaindront de la propension plébéienne à tourner le moindre débat en « problème racial ». A ces derniers, nous conseillons ce très bon article sur les différences de traitement entre les affaires Taylor Swift et Leslie Jones, preuve que nous ne sommes pas si méchants après tout). Florilège:

 

 

 

 

« Lorsque quelque chose a été dit et bien dit, n’aie pas de scrupules. Prends-le et copie-le » – Mark Twain

A part la petite remise à niveau de Taylor Serpentard Swift, cette semaine fut le théâtre d’une autre énorme farce: la convention du parti Républicain. Perso, nous adorons ce genre de show américain qui nous donne l’occasion de découvrir une faune variée d’animaux aux idées et actions extrêmement exotiques, dont le persiflage nous fait généralement nous arracher les zygomatiques (vaut mieux ça que se tirer une balle). Outre le retour en force de ce charmant Mike Pence (et ses éclairantes prises de positions contre Mulan), il y eut bien entendu le fabuleux discours de Madame Melania Trump et son délicat accent, prouvant à tous ces gauchos menteurs que Donald adore les étranger(e)s. Un fort beau speech. Un peu trop beau d’ailleurs. Tellement trop beau qu’il en avait un arrière-goût de déjà vu. Et pour cause, puisque le discours reprenait des verbatims entiers d’une tribune de 2008 signée Michelle Obama. Oups.

Ne nous attardons pas trop sur le sentiment d’impunité et de bon droit partagé par certains individus considérant sincèrement qu’à l’heure d’Internet, ce genre d’énormités passera crème (et qui ont peut-être raison). Regardons plutôt la réaction hilarante de Twitter sur le sujet. Il semblerait que Jesse Williams, dont l’intelligence n’a d’égal que l’humour, ait lancé en premier les hostilités dans une série de tweets fonctionnant sur un principe simple: fidèle à sa dénonciation de la ré-appropriation du labeur afro-américain par une caste blanche, l’acteur s’amusa à utiliser des phrases de personnalités noires sous le hashtag #FamousMelaniaTrumpQuotes. Tout le monde y passe: MLK, Reine Rihri,  Malcolm X et même la grande Sojourner Truth.

😂😂😂 FR though! What a damn shame!

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Ensuite, ce fut le lâché de blagues tous azimut (Instagram, Tumblr et Twitter en tête). Admirez plutôt:

@pablopiqasso

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Seems legit @black_humorist

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@shitheadsteve

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@chrisrock

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Mais l’apogée de ce grand barnum fut atteint dans les réponses du camp Trump. Sur notre échelle du bon communiquant, nous oscillons de “RP mauvais”/“RP en mode MaGyver”/“RP qui ne doute de rien” à “félicitations: vous avez atteint le stade “hallucination totale”, trou noir voisin de la galaxie “WTF absolu””. Tout d’abord, ce plagiat fut la faute des rédacteurs; puis, dans le souci de ne pas ternir l’image d’une Melania rédigeant ce discours avec son coeur d’immigrée adorant les States, ce fut la faute de Michelle Obama, qui “n’avait pas inventé l’anglais”; puis, une fois n’est pas coutume, ce fut la faute d’Hillary (ne nous demandez pas d’explications, nous n’avons toujours pas compris) ; puis nous sommes tombés sur ce merveilleux article nous révélant à nous, petites ouailles endormies par des médias résolument socialo faschistes (surtout Fox News), que Michelle Perfide Obama avait en réalité plagié son discours de 2008… A Donald Trump (nous sommes persuadés que ce site est une version trash de The Onion); puis il s’est avéré que Meredith McIver, la supposée responsable du discours et bouc émissaire, n’existerait tout bonnement pas (oui, Usual Suspects vient d’être dépassé par la réalité). Oups.

Laissons le mot de la fin à ce tweet, méchant et acerbe comme les petites fourbasses que nous sommes les aimons:

Shots fired @bonkers4memes

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Bonus: ode à la plus badass des 1ères dames (pour mémo Melania, selon les bons mots d’un rapper que tu aurais pu plagier: « They come around but they never come close to »):

 

Bonus 2: aucun rapport, mais saluons au passage les génies du marketing Monoprix pour leur campagne pré vacances: