Accro à SKAM

Vendredi, après une semaine à 50 heures et 2 avions, j’ai laissé tomber l’idée d’un pique-nique au bord du canal (l’Admiralbrücke c’est vraiment plus possible les gars là) pour m’écrouler devant une série. J’ai ouvert un onglet depuis longtemps sauvegardé sur mon téléphone : « Brutally honest teen films and TV » écrit par Dazed, et j’ai choisi Skam.

Chris, Vilde, Eva, Noora, Sana

J’avais déjà entendu parler de Skam ces dernières années, pas directement toutefois (sinon j’aurais sauté sur mon écran immédiatement I guess), mais dans les nombreux articles et top des meilleures séries de l’année que j’ai l’habitude de lire. Vendredi soir donc, j’ai lancé Skam. Samedi midi, j’étais toujours devant. Lundi soir, j’avais terminé les 3 premières saisons avant de découvrir, le coeur battant, que la quatrième était disponible sur Daily Motion.

Je ne sais pas comment vous parler de Skam sans vous spoiler. Si vous êtes comme moi, que vous aimez aller au cinéma sans rien savoir du film à part que le titre vous inspire ou que l’affiche vous move, ne lisez pas la suite. Contentez-vous de trouver un bon site de streaming. Je ne sais pas non plus comment vous parler de Skam tant cette série a remué de choses en moi. Je pourrais vous balancer des mots-clés, tiens, oui, je vais faire ça:

Amour, amitié, féminisme, beauté, jeunesse, réalité, vraie, ambiance, atmosphère, Norvège, émotions, incroyable, papillons dans le ventre.

1/ Une « vraie » série

On parle souvent de ces soi-disant « vraies séries », Girls en tête, même si, demandez à Juju, tout ceci est très relatif. Dans Girls, j’aimais la représentation de sentiments que je connais trop bien, ceux d’une fille un peu paumée dans la vingtaine, financièrement indépendante depuis peu, tentant de survivre entre relations foireuses, rêves artistiques et réalité économique. J’aimais le corps imparfait d’Hannah (oui oui, je sais), surtout j’aimais crier devant les scènes de sexe « mais OUI, c’est tellement ça » quand Hannah et Adam ont l’air stupides sur le canapé ou que Marnie passe mille ans sur les toilettes après pour éviter une infection urinaire.

Dans Skam, TOUT est vrai. À commencer par la façon dont ils se parlent : ni trop adulte, ni trop ado. Pas de « wesh gros », de vraies réflexions politisées, engagées, et on y croit.

Des acteurs de 17 à 20 ans jouent des personnages de 17 à 20 ans. Je regardais une interview de Josefine Frida Pettersern (Noora) et Tarjei Sandvik Moe (Isak) sur youtube, ils expliquaient que la créatrice Julie Andem avait parcouru la Norvège pour parler avec des adolescents, afin, et ça c’est moi qui l’ajoute, d’en « tirer l’essence ». Drôle d’expérience, mais incroyablement réussie. Je me suis souvent demandée si les scènes étaient improvisées tant la spontanéité était saisissante. Ou si le scénario était co-écrit avec les acteurs en amont.

Ce qui est vrai aussi, c’est l’importance des réseaux sociaux dans la série. Dans la première saison, Eva scrute ses notifications en permanence pour voir si Noora l’a acceptée comme amie Facebook, et quand ça arrive, on ressent son soulagement, ce genre de nouvelles qui changent le cours de votre semaine et dont vous avez honte. Idem, quand Isak flashe sur Even: premier réflexe? Le stalker sur Facebook bien sûr! Les personnages communiquent sur Messenger, leur portables vibrent en permanence, bref, on y est, on y croit.

2/ Des plans à rallonge qui retournent le ventre

Les épisodes doivent être hyper longs si on passe notre temps à les regarder scroller Facebook non? Non. À part quelques exceptions, on est sur une moyenne de 20-25 minutes. Mais les plans sont longs. Plutôt que de nous balancer 10 intrigues par épisode et de switcher d’un personnage à l’autre, on se focalise sur un seul, sur une émotion, sur une tension. Comment? D’abord chaque saison se consacre à un seul personnage (l’horreur quand, comme moi, vous avez tendance à vous identifier un peu trop vite). Ensuite, chaque épisode est divisé en jours de la semaine (se terminant souvent par la fête du vendredi soir) à un horaire précis, ce qui fait que le nombre de séquences n’est pas élevé. Un parti pris qui fait mouche. Noora est en colère contre William : plutôt que de les regarder s’engueuler à coup de répliques bien choisies, on les suit. On est avec elle, adossée contre un arbre, on regarde son mec traverser le parc dans la brume toute hivernale (by the way on est en Norvège donc question atmosphère toute douce meubles Ikéa pull à col roulé et bonnets vous êtes servi). On voit leur malaise, on les regarde se frôler du nez avant de marcher, marcher à travers le parc en silence. Et pendant qu’ils marchent on se rappelle ce que c’était quand on avait 17 ans et qu’on pensait qu’une dispute avec son amoureux c’était la fin du monde, qu’on se disait je t’aime après une semaine et qu’on passait des heures sur notre téléphone.

3/ Au service de l’émotion

Je suis une hypersensible (du genre maladive). J’adore des films comme Melancholia, My Blueberry nights, Le Secret des poignards volants… Des films à émotions pures. Quand on revient à l’essence. Et c’est ça qui me touche tellement chez Skam. Pas d’intrigue compliquée je l’ai dit. Pas de malentendus attendus, pas de qui pro quo improbables. Quand Isak fait son coming out auprès de ses parents ses potes sont happy, ses parents sont happy, rien de tout ce qu’on aurait attendu comme problèmes ne se passent. Parce que ce n’est pas un problème, et comme le dit Emma dans la saison 3 : « on est en 2016 ».

Dans chaque saison on parle d’amour, d’un couple qui se forme, se déchire, s’apprivoise. Et chaque saison, chaque épisode a son lot de moments passés à deux. Assis sur un banc à bégayer, allongés sur un lit à s’embrasser. De longues scènes qui m’ont faite sourire, m’ont mis les larmes aux yeux parfois. Il faut dire que la BO est incroyable (URI Spotify ici). Chaque titre est tellement bien choisi, tellement parfait – au point que la chaîne les utilise sans même en avoir les droits (Gemma bonjour).

Je ne compte plus mes culottes trempées par un long regard de William, les noeuds à mon estomac causés par l’incapacité d’Eva de dire à son mec qu’il déconne grave et les respirations que j’ai oublié de prendre devant le mal-être d’Isak face à son premier amour homofil.

 

4/ Des thèmes de société

Parce que c’est vrai, on retrouve des problématiques lycéennes : deux nanas à fond sur le même mec, ce n’est pas nouveau. Une fille qui embrasse un crétin parce qu’elle pense que son mec la trompe, ça arrive. Mais ce qui arrive aussi dans la société actuelle c’est:
– le slut shaming
– la crise en Syrie
– l’islamophobie
– l’homophobie
– le viol
– l’alcool chez les jeunes
– les troubles alimentaires

Skam parle de tous ces thèmes. Sans exception. Et en parle bien, incroyablement bien. Tellement bien que j’ai sauté sur ma nièce de vingt ans pour lui faire voir cette série. Il paraît que les ados norvégiens font des actions pour faire connaître le show à l’étranger, où est la pétition? Je signe! ENFIN on envoie des messages subliminaux sensés. ENFIN on montre aux jeunes qu’on peut être sexy en étant intelligente, qu’on peut exister en tant que femme sans avoir à descendre toutes les autres. Que les patates c’est bon pour la santé et qu’il en faut dans la salade. Et que quand on se réveille nue dans un lit, incapable de se rappeler de sa soirée, ça n’excuse pas le mec à côté de qui vous vous êtes réveillée. Oh non.

5/ Et puis tout le reste.

Je pourrais vous parler de l’innovation majeure de cette série : publier les séquences des épisodes les jours concernés à heures exactes : Mardi 10h28 est diffusé mardi à 10h28, et l’ensemble des séquences sont réunies dans un épisode le vendredi. Je pourrais vous dire que sur le site de la série vous trouvez les SMS échangés en temps réel par les personnages (qui ont tous un compte Facebook et Instagram). Je pourrais vous parler des 1 millions de personnes réunies devant le show chaque semaine, 1 million sur 5 millions d’habitants, l’équivalent de l’audience du dernier épisode de Friends aux US. Je pourrais vous parler de la façon de filmer, tellement près des visages qu’on sent les regards sur notre peau, et de la caméra qui tremble, qui n’est jamais fixe, tourne et nous aspire dans ce tourbillon sans fin.

Je pourrais vous en parler des heures tant je suis accro. Émue. Noyée.