Le cunnilingus dans le hip-hop

What they don’t know is the fact Rihanna calls me Pinocchio, meh / She loves the way I lie / Sits on my face and waits for my nose to grow« . La première fois que cette punchline de folie est parvenue à nos délicates oreilles, notre sang n’a fait qu’un tour. Mais après réécoutes multiples, force fut de se rendre à cette glorieuse évidence : Eminem venait de parler cunnilingus en termes mélioratifs. Cataclysme, car outre la vision de Riri assise sur Slim Shady (suffisante pour ruiner 6 petites culottes en l’espace de 12 minutes), le monde sait que ce dernier ne démontre que rarement un amour délirant pour la gent féminine. Alors un cunnilingus… Profitons-en pour revenir sur une pratique mal-aimée dans le rap, souvent décriée ou fétichisée, et de plus en plus, sous l’impulsion de rappeurs comme Lil Wayne – qui ne brille pourtant pas pour son progressisme mirobolant -, enfin célébrée.

Mal aimé, je suis le mal aimé.

Le cunnilingus est une pratique généralement problématique : elle est, dans l’inconscient collectif, loin de tenir le haut du panier des usages sexuels. Le hip-hop, en tant qu’expression artistique extrême jouant souvent sur les clichés de la masculinité, ne pouvait a priori qu’abonder dans ce sens (en témoigne la récente censure par YouTube du clip de C.L.I.T. en réponse à Orelsan, laissant considérer que “Suce mon clit pendant que je te ratatine et tape un rail de mouille avec ma cyprine” est moins acceptable que “Suce ma bite pendant qu’j’regarde le foot. Et tape un rail de sperme avec mon foutre”).

Dans le poncif rétrograde du masculin – qui trouve malheureusement toujours une résonance en 2016 (point culture générale : en 2013, sur 60+ catégories YouPorn, 59 était identifiées comme adressées à ces Messieurs) –, l’homme devrait sexuellement se préoccuper de son petit plaisir, quitte à oublier l’existence de bobonne dans le process’. Autant dire que le pauvre cunni, « pratique unilatérale » (les défenseurs de cette qualification n’ont jamais eu de relations sexuelles adultes), est persona non grata au banquet du sexe épanoui à la gloire du phallus. Après quelques heures d’écoute et le passage en revue de vérités aussi éclairées que “I tell all my homies “play these hoes” / Don’t eat the pussy and play these hoes”, nous avons déterminé chez les rappeurs trois types d’attitudes à l’encontre du cunnilingus :

Le silence. Si on n’en parle pas, ça n’existe pas. « Don’t ask, don’t tell ». Joli contraste entre ce mutisme et la logorrhée maladive avec laquelle est traitée la fellation.

Le dégoût, puisque le sexe féminin serait un organe fondamentalement sale. Y mettre son biscuit passe parce que ça fait plaisir, mais faudrait pas non plus trop en demander ; on sait ce que donnent les fruits de mer avariés (you can keep that salmon sandwhich to yo’ self (don’t wanna eat it)”). Outre la pertinence indéniable de cette remarque, nous avions oublié, stupides que nous sommes, que le pénis était un modèle de propreté.

Le mépris, parce que mettre sa tête de vrai mec entre les jambes d’une femme est déjà un aveu de faiblesse incommensurable. L’émasculation arrive au grand galop.

À ceci s’ajoute une catégorie plus fourbe : celle des rappeurs qui certes parlent cunni, mais dont la reconnaissance n’est que prétexte pour se présenter comme des modèles de bravoure. On les entendra geindre sur la mauvaise qualité des fellations reçues, mais la batterie de justifications quand on leur demande d’expliquer leur peu d’entrain pour le cunnilingus en dit beaucoup sur le double standard appliqué : « Because you gotta be brave to eat the tuna, G ».

« Mon cou, mon dos, lèche-moi la chatte et la fente ».

Bien entendu, pas besoin d’attendre les calendes grecques pour que cette haine du sexe oral féminin commence à taper sur le système de jeunes demoiselles fans de hip-hop. Le rap est un art revêche car catalysant beaucoup de contrastes, et difficile pour une gamine de concilier sa féminité tout en bounçant sur du Dr. Dre. Petit à petit, le cunnilingus se mit à cristalliser en son sein une sorte de guerre sourde, quitte à malencontreusement revêtir les habits trop grands pour lui du féminisme.

Il fallut que les rappeuses s’y mettent pour réhabiliter une pratique dont la critique et le dégoût tendaient à implicitement s’étendre en tache d’huile à l’ensemble du corps féminin. Et elles furent nombreuses à férocement l’exiger de leur partenaire ; Lil Kim est sûrement la plus connue de la catégorie par le biais de « Not Tonight » – et de son refrain cristallin comme de l’eau de roche : “I don’t want dick tonight / Eat my pussy right« . Il serait illégitime d’oublier Missy, son “Go downtown, eat it like a vulture” et bien entendu le légendaire « My Neck, My Back » de Khia. Plus qu’un hymne : un manuel de féminité et un premier draft au « Cunni pour les Nuls ».

Lil Wayne, le Messi(e) du Cunni.

Ne soyons néanmoins pas mauvaise langue (arfarfarf) : tous les rappeurs ne sont pas des anti-chattes compulsifs. Appelons pour exemple à la barre 2 Live CrewBig Pun ou encore N.O.R.E.… Mais malgré leurs louables paroles, ces exceptions n’arrivent pas au pelvis de sa majesté Lil Wayne. Qu’est-ce qui différencie ces petits joueurs de Weezy, au point que nous soyons enclin à effacer l’ardoise de ses écarts misogynes pour l’auréoler de la mention « rappeur féministe » ?

Ce n’est pas tant l’omniprésence de la pratique chez le rappeur de la Nouvelle-Orléans – difficile de traverser un album sans y être confronté de multiples fois –. C’est surtout que le petit Wayne est l’un des premiers rappeurs notoires présentant le cunnilingus comme extrêmement appréciable pour le partenaire masculin (“That pussy in my mouth had me loss for words”). Certes, en bon rappeur qu’il est, il n’a pas oublié ses tours de bravoure masculiniste (ré-apparaît parfois le rattachement du plaisir féminin à une compétition entre kékettes, dans le genre « je lèche tellement mieux que ton tocard de keum »), mais Lil Wayne se pose à contre-courant du paradigme général : un vrai mec aime lécher des chattes.

À force de mentions nonchalamment dispensées au long de ses chansons, Lil Wayne devint le fer de lance d’un mouvement nouveau et salutaire : il tend à sacraliser le cunnilingus, non pas en le rendant inaccessible mais au contraire, en rendant hommage à la grandeur du vagin par sa pratique répétée (« Let me just taste you. We can fuck later » : mesdames, après une phrase pareille, ne serait-il pas temps de chanter des cantiques ?), allant jusqu’à honorer l’éjaculation féminine (« I tongue kiss her other tongue / Skeet, skeet, skeet: water gun« ). Lil Wayne ne fait pas que reconnaître la pratique, il la célèbre (« I’m on a strict diet. I can only eat you« ) : grâce à lui, le cunni dans le rap est devenu au moins cool, au mieux un stade déterminant sur le baromètre du « vrai mec » (“I suck a pussy, fuck a pussy, leave it there. Long hair don’t even care« ). Dwayne Michael Carter Jr., nos vagins te disent merci.

Et maintenant ?

Le cunnilingus est non seulement plus présent dans le rap, mais son aura émasculatrice tendrait à s’inverser puisque sa pratique experte par la jeune génération (A$AP Rocky, Tyler The Creator, The Weeknd, Childish Gambino, Danny Brown et son hymne « I Will« …) serait en passe de le pousser dans la catégorie « preuve de « virilité » – ou du moins ne la remettrait pas en question –. De leur côté, les femmes (en tête Azealia Banks et plus récemment le tomboy Tommy Genesis) le présentent également comme une pratique assumée, voire comme un élément discriminant quant au choix du partenaire (on n’aime pas Iggy Azalea, mais on peut lui reconnaître ça). Les newbies féminines auraient même tendance à en vanter les mérites entre meufs, fait assez rigolo quand on se rappelle du temps où leurs homologues masculins les enjoignaient de se lécher entre elles afin de ne pas avoir à le faire (et parce que c’est quand même plus agréable de regarder deux nanas se tripoter). Guys, careful what you wish for.

Florilèche.

Pour conclure, finissons sur un petit listing de punchlines pro-cunni traduites dans notre belle langue, parce que ça sonne bien :

« Je mange une chatte asiatique, tout ce dont j’ai besoin c’est de la sauce aigre-douce » (Kanye West, « I’m In It« )

« Elles disent que je suis dingue, parce que j’aime bien cracher sur ces chattes avant de les manger *rire de Lil Wayne* » (Eminem, « No Love« )

« Toutes les nuits, tous les jours, je goûte une nouvelle boisson / Des filles différentes, des goûts différents, je change de méthode » (Snoop Dogg, « Wet« )

« Règle #1 pour être une boss : ne laisse jamais un de ces clowns se jouer de toi / S’il se fout de toi, règle #2 : baise son meilleur pote, fais-le dire oui / Prends une photo de sa bite, appuie sur « envoyer » / Envoie un cœur et l’émoji bisous / Et dis-lui que son pote adore le goût de ta chatte » (Nicki Minaj, « Boss Ass Bitch remix« )

« Je prends les meufs comme des enchiladas et je leurs mange la chatte comme des tacos » (Tyler, The Creator, « Sipping On Some Syrup« )

« Je vais te manger la chatte comme un dîner, et bébé tu me donnes envie de me lécher les doigts » (Juelz Santana, « Prostitute« )

« Quand je retourne ma lèvre supérieure je peux toujours te sentir / Quand j’avale ma salive je peux toujours te goûter / Mets-moi ta chatte dans la face à chaque fois que je te fais face » (Lil Wayne, « Pussy Monster« )

« Le 69 est le seul repas pour deux personnes » (Donald Glover, « Heartbeat« )

« Tu peux me chevaucher le visage jusqu’à éjaculer » (The Weeknd, « Or Nah« )

« La racine carré de 69 c’est à peu près 8 hein ? Parce que je travaille dessus » (Drake, « What’s My Name« )

« Déshabille toi bébé, penche toi en avant laisse moi la voir / Si tu cherches un lécheur professionnel demande moi » (Danny Brown, « I Will« )

« Aucune honte dans ma manière de jouer avec ma langue / Je le fais avec ma langue, je le fais avec ma langue / Je suis un mangeur de chatte, mangeur de chatte » (YG, « Do With My Tongue« )

« Je te mangerai la chatte / Montre à un vrai mec quel goût elle a » (Trey Songz, « Eat It Up« )

« Je vais lui lécher la chatte / Je vais lui lécher correctement / Je vais lui lécher le ventre / Je vais lui lécher le clito / Ne sois pas énervé contre moi / Tu ne sais pas ce que je sais (Tommy Genesis, « World Vision« )

« Je vais tirer un coup avec ta meuf parisienne / Elle sait d’où viennent mes fringues et leur collection / Maintenant elle veut me lécher la prune dans la soirée / Et mettre sa jolie langue bien bien au fond / Je suppose que ma chatte va se faire manger » (Azealia Banks, « 212« )

 Nb : nous nous sommes ici focalisées sur le hip-hop mais c’est pas mieux dans le rock. Pour une prochaine fois.
Nb2 : merci à Raphael Da Cruz pour le rappel sur Danny Brown.
Nb3 : bonus (merci Maxime)

Sources : , , , et , et encore . Et .