Prostitution : sortons de la caverne !

Flickr - CC - jose pereira

Le 13 avril dernier, la France adoptait une loi « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ». Une loi qui dépénalise les prostituées pour pénaliser cette fois les clients. L’occasion d’un débat houleux entre opposants à cette loi (principalement des hommes) et partisans.

L’occasion également, pour des hommes comme Eric Zemmour ou Frédéric Beigbeder, de s’illustrer encore une fois, en signant le vomitif « manifeste des 343 salauds », clamant leur « droit à leur putes ». Un texte dans lequel ils se défendent d’être « les frustrés, pervers ou psychopathes décrits par les partisans d’une répression déguisée en combat féministe ». Alors on les rassure, on n’a jamais pensé que les clients de prostituées étaient des pervers frustrés, loin de là, puisqu’on sait que 75% des clients de la prostitution ont plus de partenaires hors prostitution que les autres. En gros ceux qui vont aux putes baisent déjà sans problème gratuitement. Richard Malka (l’avocat de DSK), Basile de Koch (le mari de Frigide Barjot), s’inquiètent, comme leurs 341 petits camarades : «Aujourd’hui la prostitution, demain la pornographie, qu’interdira-t-on après-demain ?» Bah après-demain disons toutes les autres formes de domination de l’homme sur la femme, toutes les violences exercées sur les femmes, tout ce qui entrave le combat pour l’égalité entre les sexes, ça vous va comme réponse?

Un débat où l’on a parlé des handicapés tiens pour une fois. Car bon, peut-être que les clients des prostitués ne sont pas dans la misère sexuelle, mais les handicapés eux, si ! Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid, rappelle la position de son association à l’occasion du Summer Camp organisé par Osez le Féminisme les 20 et 21 août derniers : « Répondre à un drame par la soumission des autres parce qu’on a de l’argent, non, nous ne sommes pas d’accord avec cela. » Les personnes handicapées qui souhaitent avoir des rapports sexuels en ont tout à fait le droit, mais ces rapports ne peuvent donc être tarifés. « Oui mais enfin c’est terrible ! Vous pensez à ces mères qui se retrouvent à masturber leur fils handicapé ? » Oui, alors d’une part si c’est si terrible, vous pouvez vous en charger à la place de leur mère, allez-y. Pourquoi obliger un petit groupe de personnes (des femmes au hasard, sans papier et en situation précaire) à le faire sous prétexte que vous avez l’argent pour payer ? Par ailleurs, a-t-on seulement parlé une fois de la frustration des FEMMES handicapées ?!

Vous êtes nombreuses et nombreux à vous être sans doute posé la question : suis-je pour ou contre l’abolition de la prostitution ? Et c’est bien normal, longtemps les médias ont pris parti pour un système règlementariste, qui légaliserait la prostitution pour mieux « protéger ces femmes ». Un système qui repose sur des mythes, des légendes que le Mouvement du Nid s’est fait plaisir à démonter un par un dans cet article, et lors du Summer Camp d’OLF, au côté de Marie Allibert, porte-parole de l’association. On vous en propose quatre, ceux qui ont fini de fixer notre avis.

1/ L’argument naturaliste

La pseudo misère sexuelle des hommes… On l’a dit plus haut, 75% des clients de prostituées ont plus de partenaires hors prostitution que les autres. Non, vous n’êtes pas des « frustrés » messieurs, alors pourquoi exercer votre domination sur des femmes en situation précaire ? Parce que payer une pute c’est moins fatigant que draguer en boîte ? On n’est pas obligé de se taper le premier date, pendant lequel vous auriez appris que Sonia, comme 85% des prostituées en France, est étrangère et sans papier, qu’elle n’est pas là par choix, mais sous la contrainte d’un proxénète, à qui elle doit de l’argent, qui détient généralement des vidéos d’elle en train de se faire violer par un ou plusieurs hommes et qui la menace tous les jours de les envoyer à sa famille. C’est sûr ça ne serait pas un bon date, et ça risquerait même de vous ôter l’envie de baiser.

2/ L’argument métier

« Les travailleurs du sexe », « le plus vieux métier du monde », on aime bien parler de la prostitution comme d’un métier. Tellement qu’en Allemagne, de nombreuses chômeuses se sont vues proposer des postes en maison close… Sachant qu’au bout d’un certain nombre de refus on peut perdre ses allocations chômage. Yeah.

Il faut savoir par ailleurs que tous les dénommés « sex workers » et « syndicats des travailleurs du sexe » que ce soit en France, aux Etats-Unis ou ailleurs, ont été fondés par des hommes. Aux Etats-Unis, ce sont même des proxénètes qui sont à l’origine de ces mouvements… Quand on sait que près de 100% des clients des prostituées sont des hommes, et 90% des prostituées sont des femmes, on se demande pourquoi.

3/ L’argument de la liberté

« Quand même, c’est leur corps, si elles ont envie de se prostituer c’est leur droit ! » Alors oui, mais non. Justement, c’est leur corps, alors pourquoi vouloir le dominer, l’acheter, le maltraiter, le violenter (les premiers auteurs de violence sur les prostitués sont les clients eux-mêmes) ? Et puis « l’envie » justement, parlons-en. Dans la mesure où l’écrasante majorité de ces femmes sont étrangères et dans une situation d’extrême précarité, ayant connu elles-mêmes des violences et sévices sexuelles avant de se prostituer, peut-on vraiment parler de choix ? Quand une femme a la malchance de naître au mauvais endroit, au mauvais moment, dans la mauvaise famille, il faut l’encourager à gagner sa vie en vendant son corps ? On ne peut pas plutôt envisager d’autres solutions pour l’aider ?

4/ L’argument de la sécurité

« Si on règlemente la prostitution, on pourra aider ces femmes ». Ah bon. En faisant des proxénètes des entrepreneurs qui achètent des licences (comme pour de l’alcool ou du tabac, donc vive la marchandisation des êtres humains), et des clients de simples consommateurs, on va aider ces femmes ? « Ben oui, elles pourront toucher des allocations ». Ah oui, sûrement, les Nigérianes sans papier qui doivent 70 000 € à leur passeur seront ravies d’aller se déclarer à la préfecture. Ca a très bien marché en Allemagne par exemple, où 44 prostituées sur 400 000 sont venues s’enregistrer en tant que telles… Non par contre c’est pas mal pour le PIB du pays de légaliser la prostitution, ben oui parce que les gentils proxénètes ils paieront des taxes pour exploiter leurs filles. Pratique ! Si pratique que la Commission Européenne demande aux états membres d’inclure les revenus de la prostitution dans leur PIB, histoire de faire un peu monter la croissance.

Voilà. Donc non, les abolitionnistes ne sont pas des puritaines, les abolitionnistes prônent une sexualité libre oui, mais basée sur le plaisir mutuel, et le désir, surtout, pas sur la domination masculine et le « consentement ». Parce que jamais, ô grand jamais, le « consentement » n’a été synonyme de désir, la preuve, vous avez déjà dit « oh hier avec mon mec j’ai consenti c’était trop bien ». Non, vous dites « j’ai eu envie, j’étais pleine de désir pour son corps de rêve », mais vous ne « consentez pas ». « Consentir », c’est « se résigner ». Consentir, c’est le mot magique dans la bouche des hommes pour se dédouaner quand ils savent qu’ils ont imposé une violence. Quand ils ont imposé LEUR désir. « Mais elle mouillait, vous voyez bien qu’elle était consentante ! Si c’est passé c’est bien qu’elle en avait envie. » Ben non. Elle s’est résignée à te laisser tripoter son clitoris, qui a répondu automatiquement pour faire en sorte que « ça passe » oui, comme tu dis.

Quoiqu’il en soit, la loi est passée. La société française a enfin pris le parti des femmes, et pénalise désormais les clients pour diminuer le nombre de femmes obligées de vendre leur corps pour vivre. La loi, comme l’indique son titre, leur offre aujourd’hui des portes de sortie : un revenu minimal et un titre de séjour même si elles ne dénoncent pas le réseau qui les emploie.