Interview – Gloria Viagra, icône berlinoise

Gloria Viagra par 360.ch

J’ai rencontré Gloria Viagra quand j’animais « Berliner Effekt », émission de radio musicale à Berlin. Nous l’avions invitée lors de notre spéciale « Icône Gay ». Gloria Viagra, DJ Gloria Viagra d’ailleurs, la grande prêtresse des soirées trans, gay et cie à Berlin, deux mètres sans talon, perruque, barbe et moustache. Elle a débarqué, enfin il a débarqué, impossible à dire en fait, étonnamment à l’heure, enfin 30 minutes de retard mais on avait prévu large, en veste en jean, barbe de 3 jours, bref, une tenue à peu près normale alors qu’elle « était au Berghain il y a encore une heure ». Nous enregistrions les émissions le lundi après-midi…

Gloria Viagra dans les studios d’Alex Radio

Salut Gloria Viagra ! Comment ça va ?
Bonjour ! Bien, bien, j’arrive tout juste du Berghain.

Oui j’ai vu que tu animais une soirée au Berghain hier…
Oui voilà, et puis il fallait bien rester danser un peu… (rires)

Comme tu le sais, ce mois-ci est une spéciale Icône Gay, tu étais donc naturellement invitée ! Pour toi alors, qu’est-ce qu’une icône gay ?
Ce sont des exemples, des modèles à suivre. Madonna par exemple, la déesse absolue des gays, Rosa von Praunheim, Romy Haag si l’on se réfère à Berlin.

Et si l’on pense à Berlin, toi bien sûr !
Oui… Enfin c’est pas le genre de trucs qu’on dit de soi-même !

Alors c’est moi qui le dit. Est-ce qu’en tant qu’icône tu te sens une responsabilité vis-à-vis de la scène gay et trans berlinoise ?
Oula, pour la scène entière ça ferait beaucoup quand même ! Disons que mon éducation a été assez politisée, du coup je ressens moi-même le devoir de me revendiquer en tant que tel, mais je dois toujours faire attention à ne pas me mettre à évangéliser mon prochain (rires). Je pense quand même que nous avons un certain devoir, une obligation oui, c’est ce que j’ai pu voir au fil du temps. Même si aujourd’hui il y a bien plus de tolérance, qu’on n’est plus obligé de se prendre autant la tête sur pourquoi on est gay, je me rappelle comment à l’école on a pu m’emmerder avec des « Schwuli, Schwuli » (« pédale » ndlr), et je sais que c’est toujours le cas partout. Il y a encore beaucoup à faire…

« Davantage de tolérance », tu crois vraiment ?
C’est vrai que parfois on se pose la question ! Je pense que le problème s’est déplacé. Avant, tout se faisait dans le secret, aujourd’hui c’est bien moins le cas, donc j’aurais tendance à dire que c’est mieux aujourd’hui, mais Romy Haag par exemple, que j’interviewais pour mon émission Thekenschlampe, se rappelait de ses soirées dans les années 70 et trouvait qu’on était bien plus libre. J’étais un peu choquée de ses propos.

La présence plus visible de l’homosexualité dans la société, les thématiques qui vont avec ont pas mal réveillé de jalousies, d’envie, du moins chez ceux qui bien sûr n’ont jamais rien eu à faire avec ces sujets-là.
Aujourd’hui quand on s’attaque aux gays, quand des homosexuels se font agresser, c’est également de façon plus visible, plus ouverte qu’autrefois. Oui, selon moi, les choses se sont simplement déplacées dans la sphère publique mais il reste encore beaucoup à faire.

En France on a eu ce gros « débat » au sujet du mariage gay, ce qui nous a permis d’entendre un bon gros nombre de conneries du genre « Je n’ai rien contre eux tant qu’ils ne s’approchent pas des enfants »…
Oui j’ai entendu, c’était terrible, ça montre qu’il y a encore un gros problème de méconnaissance envers ce qui est étranger. Moins l’on connaît, plus grande on l’ouvre !

J’ai remarqué sur ta page Facebook que tu t’engageais pour les réfugiés à Berlin, de mon côté je lisais un article dans un magazine français, Causette*, sur les réfugiés homosexuels, sais-tu s’il y a des associations à Berlin, ou des lieux de rencontre pour eux ?
Pas vraiment, je crois que c’est en discussion, le problème c’est que c’est évidemment difficile pour eux d’en parler à découvert.

(Depuis cette interview, un centre a ouvert à Berlin, ndlr)

Tu voyages beaucoup n’est-ce pas ?
Oui, cet été je n’ai été que trois week-ends à Berlin, le reste du temps j’étais à l’étranger… J’ai rencontré Conchita Wurst par exemple, ma super copine de beuverie ! (rires)

Photo de profil du Facebook de Gloria Viagra

Et en voyage tu te sens toujours bien acceptée en tant que Gloria Viagra ?
Oui, mais parce que quand je suis en voyage je suis privilégiée, on vient me chercher à l’aéroport, on m’accompagne à l’hôtel, j’ai rarement le temps d’aller en ville donc je ne sais pas si je suis véritablement acceptée ou pas. Mais que je sois en Suisse, en Israël, à New York… c’est quand même assez easy…

Et ton nom alors ? Quelle est l’histoire qui se cache derrière ?
Gloria, ça vient du film Gloria, die Gangsterbraut avec Gena Rowlands, l’histoire d’une femme qui protège un petit garçon de la mafia… Et puis le reste… Auparavant je m’appelais « Gloria von Tuten und Blasen » (« n’avoir aucune idée, compétence pour quelque chose » ndlr) en référence à Gloria von Thurn und Taxis que je trouvais un peu gourde. Et puis je suis allée en Espagne, à Ibiza, pile au moment où cette fameuse pilule est sortie… Et voilà comment c’est devenu Gloria Viagra. Une femme, une pilule.

Ibiza, car tu es aussi DJ, tu nous as apporté une chanson pour clôturer cette interview ?
Oui, une de mes chansons préférées des Scissors Sisters, l’une des dernières avant qu’elles se séparent je crois : Let’s have a kiki !

*Causette#59, Septembre 2015