Lettre à un coeur qui bat

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Cher cœur,

Et moi qui pensais, depuis tout ce temps, que tu avais déserté mon corps, mes os, ma poitrine et mon cerveau. Tout se languissait de toi. Tout était terrible avec ton absence résonnante au plus profond de mes poumons. Pleurer, on pouvait même plus. C’était toi qui faisais tout ça pour nous. Alors on a attendu que tu reviennes. On dirait une mauvaise chanson de Patrick Fiori.

On s’est assis pour t’attendre, on a guetté à la fenêtre, comme le bus qui n’arrive pas, le soleil qui n’arrive pas, le facteur qui n’arrive pas. Coquecigrue de mon corps. Mon cœur, wanted, dead or alive. Parce qu’on savait que t’étais pas mort. On t’entendait soupirer, mais si on regardait dans ta direction, tu disparaissais derrière tes feuilles noires d’écrits. Coquecigrue je te dis.

Et puis, un jour, pas si lointain, t’as étouffé un rire. Pas grand chose. On aurait dit une quinte de toux de mon oncle Marc qui descend un paquet par jour, mais c’était trop tard pour te cacher. Le soir venu, le foie, l’estomac, et moi, on a trinqué à ta santé, au risque de perdre la nôtre d’ailleurs. Enfin t’allais arrêter de nous nouer le ventre. On a défait les nœuds que tu nous avais faits, certains étaient bien serrés, alors on a juste coupé les fils qui nous maintenaient prisonniers. Petit à petit, les yeux ont recommencé à voir les couleurs, les oreilles ont dansé au rythme des musiques que le cerveau réinventait, les orteils ont ressenti de nouveau toutes les petites fourmis des longues balades imprévues, les jambes se sont mises à courir très vite dans l’herbe, et dans le dos coulaient des rivières de soleil où on se prélassait des heures durant. Les odeurs, les goûts, les caresses sur la peau la sueur sur le front, tout était neuf. Et ton rire s’élevait comme trompette de nouvelle naissance.

Te revoilà. Tu reprends ta place, avec nous. On te retrouve, comme on accueille un vieil ami, tu sais, celui dont on n’a plus eu de nouvelles pendant des années, mais qu’on sait quelque part dans le monde, comme une bougie sur laquelle rien ne soufflera jamais. On t’ouvre les bras, toi notre vieux pote, dont on avait tant pleuré la démission. Ton rire a bégayé un peu au début, mais t’as persisté, le sourire aux joues et le rose aux lèvres, ou l’inverse, comme tu voudras.

Comme tu voudras tant que tu restes là. Tu nous as bien manqué. Maintenant, tu nous sembles encore plus vivant qu’avant.

Battement tienne,

B.