Fièvre

Malade. Explore les tréfonds du canapé. Ordinateur vissé sur genoux. Tremblote. Mettre en forme, écrire, encore. Ground control to Major Tom, du fond de la couette. Le corps a chaud. Le corps a froid. Le corps a mal. La gorge couine. Les yeux suintent. La solitude brûle. Sûrement la fièvre. Lorgner dangereusement du côté du portable. Revenir vers l’écran. Ne fais pas ça. Ou alors si. Peut-être. Tendre le bras vers l’objet tentateur. Rageusement. Suspendre son geste, quelques secondes. Et puis écrire. Fébrilement. Vite, écrire. J’ai envie de te voir. Voilà. Send. Lèvres pincées. Soupir. Regard aux poutres. Sûrement la fièvre. C’est juste cette putain de fièvre. Reprendre péniblement. Le flou des lettres, le saturé des blancs, la danse nauséeuse des pixels. Reprendre, relire, vérifier, encore. Essayer d’être percutante. Drôle. Lorgner dangereusement du côté du portable. Cette boîte qui catalyse tellement d’angoisses et de frustrations. Trop pour un si petit rectangle. Rien. Pas de tremblement. Pas d’épilepsie salutaire. Rien. Attendre. Ça ne fait que 5 minutes. Reprendre. Péniblement. C’est mal écrit. C’est pas grave. Continuer. Et puis ce portable de merde. Qui s’obstine dans son silence. Le cou craque. Les doigts le suivent. Rageusement. Cadence brisée sur ossature. Putain mais quelle conne. Et pourquoi t’avais besoin d’envoyer un message. Tu pouvais pas te retenir. Non, jamais. Rien n’arrête la diarrhée verbale. Toujours exposer ses tripes à l’air. When will you fucking learn.

Se redresser. S’extirper. Péniblement. Nausées, vertiges, contorsions. Enfiler des vêtements. Sortir. Lovée dans un transat. Le soleil, la neige, la musique. Et ce corps qui s’obstine à se faire remarquer. C’est marrant. Le seul moment où l’on sent son corps, c’est quand ça déboîte. Marrant. Main dans la poche. Le corps tremble, pas le portable. Grelotte de froid, de fièvre, de colère. Pourquoi j’ai fait ça. Et puis non. Ne pas s’en vouloir d’être honnête. Temps trop beau pour flagellation. C’est lui. Quelle merde. Répondre c’est pas compliqué. C’est trente secondes. « Par la présente, je reconnais avoir reçu votre message et choisi sciemment de ne pas y donner suite ». Au moins, je saurais. Mais là, le silence. Le pire des traitements. Le plus efficace. Quand apprendras-tu. Se lever. De froid, de fièvre, de colère. Rageusement vers la piste de danse improvisée. Se mettre à piétiner. Les jambes tremblent. Plus ou moins au rythme des beats. Les enceintes crachent. Le corps sursaute. La fièvre augmente. La tête se renverse vers le ciel. Le yeux sont lourds. Connard de merde. De toute façon, ça n’en valait pas la peine. J’avais la fièvre, c’est tout. Ça vibre. Le cœur tressaute. C’est pas la fièvre. C’est pas lui non plus. C’est l’autre. Fais chier. Et puis curiosité. Piquée au vif. Sourire. Morsure câline sur lèvre. Pourquoi pas, après tout. Se laisser aller, peut-être… La tête dodeline sur les beats. Le corps se berce. C’est agréable presque. Je pourrais peut-être continuer à danser. Encore, encore. Balance doucement sur le rythme. Le nouveau, peut-être. Se laisser aller. Balance, balance. Une transe calme. Une frénésie reposée. La fièvre sûrement. Les yeux fermés. La bouche entrouverte. Le souffle brûlant. Le soleil descend. Froid, chaud, transpire. Se laisser aller. Ralentir. Je pourrais. La poche vibre, fait fuir la torpeur. C’est lui. Sourire. Sûrement la fièvre.

Illustration : nausea001.tumblr