Ma jolie détentrice, ici je prends la plume
Ne crois pas que ce soit en vain, gratuitement
Mais situation extrême, plus mon amertume…
Il me faut à tout prix t’en parler, simplement
Ça ne m’a pas échappé : depuis quelques semaines
Je suis devenu objet de tes attentions
Ce n’est pas du soin ou amour que tu m’amènes
Plutôt une dévorante et malsaine obsession
Tu veux me faire grossir, je vois bien, tu t’échines
Deux arrondis rebondis ne font pas l’affaire
Il est triste de voir que toi tu te résignes
À réduire le corps féminin à mes deux sphères
Il est bien dommage qu’après toutes ces années
Je sois toujours lu comme un objet fascinant
L’autre soir j’ai même entendu Nicki chanter
Qu’un gros séant vaut mieux qu’un petit boule avenant
Et oui, il semblerait donc qu’entre vous mesdames
Je sois toujours motif de clivage érigé
Que sur le détestable baromètre de « vraie femme »
Je demeure la grande mesure de la panacée
Abandonne ces fantasmes, laisse-moi comme je suis
Ne te réduis pas à mes rondeurs de fessier
N’écoute pas ces marketeuses sirènes qui
Te font croire qu’à me refaire il te faut céder
Ces charlatans tragiques, vampires publicitaires
Qui ont défiguré plus d’un corps, poitrine, vie
Qui encouragent une estime de soi délétère
Pour vous vendre du rêve à coup de bistouri
Sais-tu qu’au Moyen-Âge, on m’associait au Diable ?
Des fesses sorcières le sort je te laisse deviner
À présent je suis objet de culte indéniable :
Peu ne sépare démoniaque et sacralisé
Pomme pêche ou peau d’orange, je me fiche de la forme
Ton corps est comme il est, le changer tu ne dois
Le contrôle patriarcal s’exerce par des normes
Sur des normes inatteignables, ne me forge pas
Je les vois clairement, ces mécaniques fourbes
Qui te murent dans le songe masculin du fessier
Une femme ne se mesure à la courbe de ses courbes
« Scoop ! » : j’abrite le trou par lequel vous vous videz
Moi je ne désire que vivre ma vie de cul
Être aimé comme je suis, sans excuse ni pudeur
Petit, plat ou bombé, relevé ou charnu
Sans être victime de mains et yeux baladeurs
Je veux pouvoir gambader, bouger et danser
Être couvert simplement de caresses consenties
Que tu me remues comme la croupe de Beyoncé
Quand tes amies te crient : « hey vas-y twerk, baby !»
Article paru dans « Galante – Spécial Fesse »
Photo de Une: « I can’t remember to forget you »